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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 14

Le jeudi 2 mai 1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 2 mai 1996
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Le Règlement du Sénat

Les violations de l'article 22

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer aux Déclarations de sénateurs, je tiens à rappeler à votre attention le paragraphe 22(4) du Règlement du Sénat du Canada concernant les déclarations de sénateurs.

Les sénateurs semblent prendre l'habitude d'utiliser la période des Déclarations de sénateurs pour aborder des points qui tiennent du débat. D'autre part, il arrive fréquemment que des sénateurs dépassent de beaucoup le temps de parole auquel ils ont droit en vertu du paragraphe 22(6) du Règlement, soit trois minutes.

Cela empêche malheureusement d'autres sénateurs qui le voudraient de prendre la parole, puisque la période des Déclarations de sénateurs est limitée à 15 minutes.

J'espère que tous les sénateurs s'en tiendront à trois minutes et qu'ils feront des déclarations plutôt que de soulever des points qui tiennent du débat. Davantage de sénateurs pourront ainsi prendre la parole. Autrement, je n'aurai d'autre choix que d'appliquer le Règlement.


[Français]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Sénat

Réponses aux questions prises en délibéré durant la première session

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je vais tenter de demeurer à l'intérieur de la limite de trois minutes.

Je voudrais, dans cette déclaration, rappeler un échange intervenu en cette Chambre le 14 mai 1991 entre notre collègue le sénateur Bosa et le sénateur Murray, à l'époque leader du gouvernement en cette Chambre. La question était la suivante:

[Traduction]

Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat. Avant la prorogation, un certain nombre de questions lui ont été posées dont il a pris note et auxquelles il a promis de répondre en temps opportun. Ces questions sont-elles maintenant rayées du Feuilleton? Devons-nous recommencer depuis le début?

La réponse du sénateur Murray avait été la suivante:

Non, honorables sénateurs, même si les motions et les questions écrites, entre autres, disparaissent à la prorogation, j'ai décidé qu'une réponse devait être fournie aux questions orales en suspens et à une question écrite. En fait, le sénateur Doody a des réponses différées à donner aujourd'hui.

La Semaine des jeunes

L'honorable Landon Pearson: Honorables sénateurs, fêtons aujourd'hui les jeunes. Plus de 50 mouvements de jeunesse, sous la direction de Clubs de garçons et filles du Canada, Génération 2000, Leadership Innovations, Student Commission/ Teen Generation Magazine, UNICEF Canada, Entraide universitaire mondiale du Canada et Jeunesse Action, ont proclamé cette semaine la Semaine des jeunes. Cette semaine a pour but de motiver et d'inspirer les jeunes âgés de 10 à 25 ans - qui sont plus de 6 millions au Canada - à faire toute l'année une contribution à leur communauté.

Lundi dernier, j'ai discuté plus d'une heure dans cette Chambre avec 210 élèves du secondaire venus de toutes les régions du Canada à Ottawa où les avaient amenés le Rotary Club pour les initier au rôle de citoyen. Ces jeunes formaient un groupe très vivant et très alerte. Tous étaient ravis d'occuper vos sièges et ont posé des tas de questions qui dénotaient une grande perspicacité et un profond respect, exactement le genre de jeunes qui vous remplit d'espoir.

C'est pour qu'un plus grand nombre de jeunes puissent vivre ce type d'expérience que cette semaine a été proclamée Semaine des jeunes. Les jeunes sont pour nos communautés une importante source de potentiel à laquelle on s'alimente trop rarement. Selon Statistique Canada, seulement 20 p. 100 des jeunes âgés de 15 à 24 ans font régulièrement du bénévolat. Nous devrions voir ce que nous pouvons faire pour qu'ils soient plus nombreux.

Conjointement avec la Semaine des jeunes, le groupement Conseils étudiants pour un Canada uni, un mouvement de jeunesse national inspiré et lancé par les jeunes, ayant pour engagement de renforcer l'esprit canadien chez les Canadiens, organise le 3 mai la première journée annuelle des jeunes du Canada.

Le groupement Conseils étudiants pour un Canada uni invite les écoles de tout le pays à célébrer la citoyenneté canadienne et à montrer l'amour qu'elles portent à ce pays. De jeunes Canadiens tiendront des assemblées, rédigeront les paroles d'un nouvel hymne national, peindront leur corps et reproduiront un drapeau canadien géant sur le terrain de football de leur école. Le groupement Conseils étudiants pour un Canada uni récompensera les participants qui auront organisé les meilleures activités.

Grâce à d'autres événements comme la Journée de service qui a lieu aujourd'hui, coordonnés en partenariat avec Service Jeunesse Canada, la Semaine des jeunes aspire à sensibiliser le public aux questions qui touchent les jeunes, comme le chômage, la pauvreté, la sécurité d'emploi, l'éducation, la participation politique et la protection de l'environnement.

J'espère que nous ferons tout notre possible pour promouvoir la Semaine des jeunes et encourager tout ce qu'elle représente.

L'honorable Wilbert J. Keon

Hommages

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je voudrais rendre hommage aujourd'hui à notre estimé collègue, l'honorable sénateur Wilbert Joseph Keon. Il y a dix ans, le 1er mai 1986, le docteur Keon était le premier chirurgien canadien à réussir une transplantation cardiaque en utilisant un coeur artificiel Jarvik dans l'attente d'un coeur humain. Je suis heureux de dire que la patiente, Mme Noella Leclaire, est bien vivante et bien portante aujourd'hui.

(1410)

Le docteur Keon est l'un des meilleurs chirurgiens et chercheurs du monde entier dans le domaine cardiovasculaire. Il est à la tête d'un établissement de renommée mondiale, l'Institut de cardiologie d'Ottawa, qui a fait plus de 12 000 interventions depuis sa création en 1969. Le docteur Keon a à son crédit une longue liste de réalisations remarquables dans le domaine des maladies cardiovasculaires. En reconnaissance de son oeuvre, le docteur Keon a reçu nombre de prix de la collectivité médicale, en plus d'autres honneurs prestigieux comme l'Ordre du Canada et la reconnaissance spéciale du pape Jean-Paul II.

Le docteur Keon a également servi au sein d'une foule d'associations nationales et internationales du domaine de la médecine, y compris la Fondation des maladies du coeur du Canada. Il est actuellement président de la Société canadienne de cardiologie.

Au fil des ans, le docteur Keon a fait oeuvre de pionnier dans le développement d'un grand nombre de techniques utilisées dans le traitement des maladies du coeur. Le docteur Keon a de plus participé à l'élaboration de la politique du Canada en matière de soins de santé; ce travail revêt d'ailleurs autant d'importance que son travail de chirurgien. D'autre part, le docteur Keon est un éducateur fort respecté, ayant fait office de président du département de chirurgie de l'Université d'Ottawa. Des centaines de chirurgiens ont été formés sous la direction du docteur Keon et mettent maintenant leurs compétences et leurs capacités de sauver des vies au service de la population partout dans le monde.

Le dévouement du docteur Keon dans son domaine est sans égal. Il ne fait pas que mettre ses compétences et ses capacités supérieures de chirurgien au service des gens. En effet, j'ai été surpris d'apprendre qu'il est aussi un solliciteur de fonds exceptionnel, ayant recueilli plus de 50 millions de dollars pour l'Institut de cardiologie d'Ottawa.

Je connais des tas de gens qui sont en vie aujourd'hui grâce au docteur Keon. Ces gens-là et leur famille le considèrent comme un héros. Nul doute que peu de Canadiens s'attendent à trouver un héros au Sénat du Canada. Or, chers collègues sénateurs, nous avons l'honneur de compter parmi nous un authentique héros canadien.

Au fil des ans, le docteur Keon a, avec grande modestie, poursuivi son vaillant combat contre une des principales causes de décès au Canada, les maladies du coeur. Grâce à ses efforts et à sa compétence, des milliers d'enfants d'un bout à l'autre du pays continueront d'avoir une mère, un père, des grands-mamans et des grands-papas qui n'auraient pas survécu autrement.

Malheureusement, le docteur Keon n'est pas avec nous aujourd'hui. Toutefois, je le félicite et je le remercie au nom des milliers de Canadiens dont il a sauvé la vie. Il nous fait grand honneur. Je suis fier de servir à ses côtés au Sénat.

Des voix: Bravo!

Les droits de la personne

L'opportunité de faire étudier la question par un comité spécial

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, lundi dernier, au centre juif de Calgary, un messager a livré un colis adressé au Jewish National Fund. Le colis, qui a été ouvert par une secrétaire sans méfiance, contenait une bombe tuyau qui, heureusement, n'a pas explosé. Seul le détonateur est parti, blessant légèrement la secrétaire. Si la bombe avait fonctionné comme prévu, le drame aurait vraisemblablement pris des proportions catastrophiques parce que des enfants se trouvaient réunis dans une garderie, à quelques pas de là.

J'ai beaucoup réfléchi à cette affaire, honorables sénateurs, pour tenter de trouver quel message nous devons en tirer. Nous ne devons pas nous hâter de conclure que l'auteur de l'attentat était un individu antisémite désireux de manifester par la violence sa haine et son point de vue tordu. Nous ne devons pas non plus nous hâter de conclure que c'était le fait d'un terroriste du Moyen-Orient voulant manifester son opposition à Israël. Espérons que l'enquête en cours nous permettra de découvrir le coupable et ses motifs.

Le message sous-jacent, c'est tout simplement qu'il ne faut jamais tenir nos libertés pour acquises. Nous ne devons jamais relâcher notre vigilance et notre engagement à l'égard de ceux qui ne forment pas la majorité mais qui constituent, au sein de notre société, des groupes d'une autre race, religion, origine ethnique ou couleur, ou ayant des antécédents différents. L'épisode de la bombe, les remarques sectaires que le whip du Parti réformiste a formulées mardi - et que le sénateur Oliver a réfutées si éloquemment hier - et l'engagement chancelant de ma province à l'égard des droits de la personne, comme on a pu le constater quand le gouvernement de l'Alberta a refusé son soutien à la Commission albertaine des droits de la personne, sont autant de rappels trop courants de notre volonté fléchissante, en tant que nation, de soulager la détresse de nos minorités et de nous soucier des nombreux problèmes qui méritent notre attention dans le monde.

Il est malheureusement vrai qu'en période de difficultés et de transition, la majorité perd trop souvent patience devant les revendications légitimes et les aspirations des autres. On peut facilement le constater en 1996, alors que l'humeur de la nation semble suivre l'encouragement de certains qui proposent un programme axé sur le résultat financier plutôt que l'importance de l'intervention gouvernementale ou, à défaut, de l'activité humaine.

Il faut contre-balancer le genre de programmes que proposent Newt Gingrich, les réformistes et Pat Buchanan par un programme dynamique qui tient compte des difficultés auxquelles nos citoyens moins favorisés sont confrontés quotidiennement, à cause de la tragédie des préjugés et de la discrimination.

Je félicite le gouvernement du Canada d'avoir agi comme il l'a fait hier en proposant des modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ce geste répond aux préoccupations de bon nombre d'entre nous qui sont témoins de la discrimination exercée à l'égard d'un groupe de Canadiens, simplement par ignorance et dogmatisme. L'aspect fâcheux du vote d'hier à la Chambre, c'est que 53 députés ont refusé de faire preuve de leadership et de compréhension en choisissant de voter contre le projet de loi.

Honorables sénateurs, cette Chambre jouit d'une riche et noble tradition de dévouement envers les droits de la personne. La semaine dernière a été à la fois la meilleure et la pire à cet égard. Les Canadiens traversent une période difficile et stressante, et c'est parfois dans de telles circonstances que se manifestent nos pires tendances. Je crois que le temps est venu de créer un comité sénatorial qui se consacrerait au respect des droits de la personne dans notre pays, un comité qui étudierait ces questions et fournirait le leadership, le pôle de convergence et l'enseignement requis pour que tous les Canadiens aient droit à leur juste part des chances et des défis que peut offrir ce magnifique pays, afin que ces privilèges ne soient pas réservés aux seuls Canadiens favorisés par la naissance ou les circonstances.

Des voix: Bravo!

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'aurais aimé avoir signé de ma main l'intervention du sénateur Ghitter.

[Traduction]

J'avais l'intention de soulever le sujet de l'événement qui s'est produit en Alberta et que le sénateur Ghitter a mentionné au début de sa déclaration. C'est quelque chose de totalement inacceptable dans ce pays. L'honorable sénateur a également parlé de ce qui s'était produit hier à la Chambre des communes, dans un autre débat. Vu la décision de la présidence, je ne veux pas débattre de cela maintenant, d'autant plus que cela fait partie d'une mesure législative qui sera présentée au Sénat plus tard.

Je voudrais cependant indiquer au compte rendu que non seulement le sénateur Ghitter a raison, mais que si un fonds était créé pour donner une récompense à quiconque apporte des renseignements conduisant à l'arrestation de l'auteur de cette acte, je serais honoré d'y contribuer. Je dis cela même si je suis contre ce que certains voient dans une récompense offerte pour ce genre de raison. Cela montrerait cependant que nous sommes sérieux lorsque nous disons que nous voulons trouver les responsables de cet acte.

C'est le genre d'acte qui ne doit pas se produire dans mon pays. Cet acte touche directement une communauté canadienne, et ce n'est pas mon genre de Canada. Dans mon Canada, nous sommes tous égaux. Dans mon Canada, tout le monde a le droit de vivre en sécurité.

Je le répète, je serais honoré et ravi de signer la déclaration que le sénateur Ghitter a faite aujourd'hui.

Banques et commerce

Les investisseurs institutionnels-La possibilité de soumettre la question au comité pour étude

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ce n'est pas la première fois que les Canadiens, voire les parlementaires, critiquent l'industrie bancaire. Dénigrer systématiquement les banques est notre nouveau sport national. Je crois que les Canadiens ont du mal à admettre l'existence des grandes institutions et à accepter leurs décisions. Qui dit grand dit pouvoir. Or, quand il n'est pas bien compris, le pouvoir fait souvent peur. De grandes institutions comme les banques, la SRC ou le Parlement deviennent facilement la cible des critiques. On s'attaque passablement aux banques ces temps-ci.

Or, j'aimerais attirer l'attention des honorables sénateurs sur une nouvelle source de pouvoir qui est passée presque inaperçue jusqu'ici. Je veux parler de l'investisseur institutionnel. Lors des récentes audiences publiques du groupe de travail du Sénat sur la régie des sociétés, j'ai soulevé la question de cette nouvelle source de pouvoir auprès de plusieurs témoins en leur citant une étude récente qui révèle que:

À l'heure actuelle, près de 40 p. 100 de la valeur monétaire des sociétés canadiennes est détenue par des investisseurs institutionnels, et on dit que ceux-ci prennent régulièrement des décisions de l'ordre de plusieurs millions de dollars qui influent sur celles des grandes sociétés et que, de plus, ils portent atteinte à la sécurité de la retraite de plusieurs millions de personnes.

Le fait est que les Canadiens ne savent pas grand-chose de ces institutions. Jusqu'à quel point les administrateurs des régimes de pensions font-ils bien leur boulot? Qui mesure quoi? De qui l'investisseur défend-il les intérêts? Jusqu'à quel point veille-t-il d'abord à ses propres intérêts? Voilà autant de mystères. Il faut également savoir que ces investisseurs institutionnels ne participent pas au marché du capital de risque afin d'aider les entreprises naissantes.

(1420)

Comme Kevin McKenna, le directeur général de McKenna Gale Capital Inc., de Toronto, l'a dit récemment dans un de nos journaux:

[...] par le passé, bien des investisseurs institutionnels se retiraient du secteur du capital de risque parce que c'était un secteur à forte intensité de main-d'oeuvre qui ne donnait pas de rendements adéquats.

Le pouvoir, l'influence, la régie interne de ces institutions ne font actuellement pas l'objet d'une étude. Je suis heureux de voir le sénateur Kirby ici aujourd'hui et je profite de l'occasion pour lui recommander de se pencher avec son comité sur cette question qui mérite d'être examinée sérieusement par le Sénat du Canada.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le Comité de sélection

Présentation et adoption du quatrième rapport

L'honorable Jacques Hébert, président du Comité de sélection, présente le rapport suivant:

Le jeudi 2 mai 1996

Le comité de sélection a l'honneur de présenter son

QUATRIÈME RAPPORT

Conformément à l'article 86(1)(b) du Règlement du Sénat votre comité présente la liste des sénateurs qu'il a désignés pour faire partie des comités particuliers suivants:

COMITÉ SPÉCIAL DU SÉNAT SUR LA SOCIÉTÉ DE DÉVELOPPEMENT DU CAP-BRETON

Les honorables sénateurs Anderson, Buchanan, De Bané, *Fairbairn (ou Graham), Ghitter, Gigantès, Landry, *Lynch-Staunton (ou Berntson) MacDonald (Halifax), Macdonald (Cap-Breton), MacEachen, Murray, Rompkey et Stanbury.

* Membre d'office

Respectueusement soumis

Le président,
JACQUES HÉBERT

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

Le sénateur Hébert: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)g) du Règlement, je propose que le rapport soit adopté dès maintenant.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Traduction]

Code de conduite

Dépôt du rapport du comité mixte spécial

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 104(1) du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer le premier rapport du comité mixte spécial sur un code de conduite. Ce rapport traite des dépenses engagées par le comité au cours de la première session de la trente-cinquième législature.

(Le texte du rapport figure dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

La Loi sur les contraventions

Projet de loi modificatif-Rapport du comité

L'honorable Sharon Carstairs, présidente du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant:

Le jeudi 2 mai 1996

Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

QUATRIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-16, Loi modifiant la Loi sur les contraventions et d'autres lois en conséquence, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 25 avril 1996, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,
SHARON CARSTAIRS

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Losier-Cool, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'ajournement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à mardi prochain, le 7 mai 1996, à 14 heures.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Projet de loi d'intérêt privé

La Compagnie du chemin de fer de Nipissing à la Baie de James-Projet de loi portant dissolution-Première lecture

L'honorable James F. Kelleher présente le projet de loi S-7, Loi portant dissolution de la Compagnie du chemin de fer de Nipissing à la Baie de James.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Kelleher, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du mardi 7 mai 1996.)

[Français]

L'Unité nationale

Avis de motion autorisant la création d'un comité spécial

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je donne avis que mardi, le 7 mai 1996, je proposerai:

Qu'un comité spécial du Sénat soit formé pour examiner, afin d'en faire rapport, la question de l'unité canadienne, plus précisément la question de la reconnaissance du Québec, la formule d'amendement et le pouvoir fédéral de dépenser dans les domaines provinciaux;

Que le comité soit composé de douze sénateurs, dont trois constituent un quorum;

Que le comité ait le pouvoir de faire comparaître des personnes et produire des documents, d'entendre des témoins, de faire rapport de temps à autre et de faire imprimer au jour le jour documents et témoignages, selon les instructions du comité;

Que les documents et témoignages recueillis par le comité spécial du Sénat sur le projet de loi C-110, Loi concernant les modifications constitutionnelles, au cours de la première session de la trente-cinquième législature soient réputés avoir été envoyés au comité constitué aux termes de la présente motion;

Que le comité soit autorisé à siéger pendant les séances et les ajournements du Sénat;

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 15 décembre 1996; et

Que, sans égard aux pratiques habituelles, si le Sénat ne siège pas lorsque le rapport final du comité sera terminé, le rapport puisse être déposé auprès du Greffier du Sénat et qu'il soit considéré comme ayant été déposé devant cette Chambre.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le Sénat

Les questions en suspens de la première session-Demande de réponses

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je comprends que le leader du gouvernement n'est pas ici aujourd'hui, et je poserai donc ma question au sénateur Graham. Elle concerne les questions laissées en suspens pendant la première session du présent Parlement. Dans le but de m'orienter, est-ce que l'on va répondre aux questions, tant écrites que verbales?

Si l'on n'a pas l'intention d'y répondre, nous allons les réintroduire, ce sera assez simple à faire. J'aimerais avoir votre réponse là-dessus.

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je prends les craintes du sénateur Nolin très au sérieux.

Ce n'est pas la première fois qu'on tarde indûment à répondre à des questions, qu'elles soient écrites ou orales. Je me rappelle, comme le sénateur Murray, j'en suis persuadé, de la fameuse question sur le fonds Laprade que j'ai soulevée pour la première fois au Sénat le 3 février 1987, alors que nos vis-à-vis formaient le gouvernement. Je l'ai à nouveau posée trois ou quatre fois par la suite. Le 30 septembre 1988, le sénateur Murray a déclaré en substance qu'on était encore en train de préparer la réponse. Une vingtaine de mois s'étaient écoulés alors depuis qu'on avait posé cette question pour la première fois. Heureusement, ou malheureusement, selon le côté du Sénat où l'on siège, on a procédé à la dissolution du Parlement le lendemain. Nous n'entendrions plus parler du fonds Laprade au cours de cette législature-là.

(1430)

Cela dit, je trouve inquiétant que, dans bien des cas, nous ne recevions pas de réponses des divers ministères plus rapidement. Il est évident qu'on doit faire davantage pour souligner aux personnes responsables que le respect d'un délai raisonnable est tout aussi important que la réponse elle-même. Je suis au courant du nombre de questions qui sont demeurées sans réponse à la suite de la prorogation des Chambres, tant les questions posées oralement au Sénat que les questions écrites inscrites au Feuilleton. Il se peut qu'un certain nombre d'entre elles ne se posent plus, mais il y en a, sans aucun doute, qui demeurent d'actualité, qui sont encore pertinentes.

À mon avis, ces questions sont périmées. Il n'y a aucune tradition ni précédent permettant de rétablir toutes ces questions en bloc. Nous attendons encore la décision de Son Honneur le Président à ce sujet. Cela ne signifie cependant pas qu'on ne doit pas répondre à ces questions.

Plusieurs solutions s'offrent aux sénateurs qui souhaitent toujours obtenir une réponse aux questions auxquelles on n'a pas répondu avant la fin de la dernière session. Ils pourraient se mettre en rapport avec mon bureau ou celui du leader. On pourrait facilement rétablir les questions qui étaient au Feuilleton à ce moment-là, à la demande des sénateurs qui les ont fait inscrire. Je peux vous garantir que vous recevrez toute la collaboration voulue de ce côté-ci. Nous ferons tout en notre pouvoir pour qu'on y réponde le plus rapidement possible.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est vraiment rassurant. Une autre promesse.

[Français]

Les questions prises en délibéré durant la première session-Demande d'une décision de la présidence

L'honorable Pierre Claude Nolin: Votre Honneur, je ne sais pas si je dois vous poser ma question ou la poser au sénateur Graham. Effectivement, nous attendons une décision de votre part à ce sujet.

Son Honneur le Président: Il n'est pas normal que le Président réponde à des questions. Je sais qu'il y a eu un rappel au Règlement par le sénateur Lynch-Staunton en mon absence. On s'en occupe. J'espère être en position de répondre à la prochaine séance du Sénat.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur les institutions financières

Troisième lecture

L'honorable Michael Kirby propose: Que le projet de loi C-15, Loi modifiant la législation sur les institutions financières et édictant une loi nouvelle, soit lu une troisième fois.

-Honorables sénateurs, je voudrais faire deux ou trois observations à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-15 dont, comme je l'ai signalé hier, le comité sénatorial permanent des banques et du commerce a fait rapport sans proposition d'amendement. Mes observations ont trait à la structure du projet de loi.

Plus précisément, je dirai que le comité s'inquiète de l'annexe que renferme le projet de loi. Cette annexe constitue en soi une nouvelle mesure législative intitulée «Loi régissant les systèmes de compensation et de règlement des paiements». En d'autres termes, le projet de loi renferme une annexe qui est un projet de loi distinct.

Les membres du comité des banques et du commerce ont vivement critiqué le fait que deux mesures législatives - le projet de loi C-15 et l'annexe - soient présentées sous la forme d'une seule.

Dans la 6e édition de Beauchesne, le commentaire 631 dit ceci:

De nombreux projets de loi comportent des annexes où sont exposées en détail certaines données qui se rattachent à leurs dispositions. L'annexe est partie intégrante du projet de loi et elle n'a d'application qu'en fonction d'un ou de plusieurs des articles qui la précèdent.

Ce qu'il faut retenir de cet extrait du Beauchesne, honorables sénateurs, c'est que les annexes doivent exposer «en détail certaines données». Autrement dit, une annexe précise les dispositions d'un projet de loi en apportant des détails et des explications. La situation est entièrement différente dans le cas du projet de loi C-15, dont une annexe est en soi un projet de loi complet et distinct.

La procédure parlementaire a mis au point un processus que les projets de loi doivent suivre avant de devenir lois. Différentes étapes sont prévues, comme nous le savons tous - la première et la deuxième lectures, l'étude en comité, l'étape du rapport et la troisième lecture - et elles ont chacune leur propre fin. Ces étapes distinctes doivent être franchies en des jours différents, sauf consentement unanime.

L'inclusion d'un projet de loi distinct en annexe à un premier projet de loi fausse le processus législatif. Il faudrait certainement étudier tous les projets de loi conformément à la procédure régulière, en passant par toutes les étapes. Même si une annexe d'un projet de loi peut être modifiée, l'annexe tout entière est supprimée si l'article correspondant est rejeté. C'est ainsi qu'en l'occurrence le sort d'une loi entière - à savoir l'annexe qui a été ajoutée au projet de loi C-15 - dépend de l'approbation ou du rejet d'un seul article.

Je me reporte encore une fois à la 6e édition de l'ouvrage de Beauchesne, et cette fois-ci au commentaire 665:

En deuxième lecture d'un projet de loi modificatif, c'est le principe du projet de loi même, et non celui de la loi à modifier, qui constitue le «sujet à l'étude». En conséquence, le débat et les propositions d'amendement ne doivent pas s'écarter du principe du projet de loi modificatif.

La plupart des dispositions du projet de loi C-15, comme je l'ai dit hier, modifient des lois existantes concernant les institutions financières. Cette annexe, en incluant une loi entièrement nouvelle, s'écarte du principe selon lequel les annexes devraient simplement se rapporter à des dispositions du projet de loi et ne devraient pas contenir des principes entièrement nouveaux de leur propre chef. Le fait d'inclure une telle annexe sous cette forme complique clairement le débat de deuxième lecture et l'on ne sait plus très bien si l'on vote sur le principe du projet de loi ou sur son annexe, qui est à la vérité un projet de loi complètement distinct.

L'avocat du ministère des Finances a fait remarquer au comité qu'on a déjà utilisé de telles annexes pour édicter de nouvelles lois. Malgré qu'il existe un précédent au Canada pour le faire, le comité éprouve de sérieuses inquiétudes à propos de cette pratique et croit qu'on devrait la décourager, car elle est contraire à la logique - et même à l'esprit - du processus législatif.

Par conséquent, honorables sénateurs, j'écrirai au ministre de la Justice, au nom du comité, pour exprimer nos sérieuses inquiétudes à propos de ce processus et de cette pratique consistant à inclure un projet de loi complètement distinct en annexe à un premier projet de loi.

En écrivant au ministre, je l'exhorterai, au nom du comité, à cesser dorénavant de recourir à cette pratique.

(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu une troisième fois.)

(1440)

Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif-Troisième lecture-Motion d'amendement-Ajournement du débat

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) propose: Que le projet de loi C-3, Loi modifiant le Code canadien du travail (entreprises nucléaires) et une autre loi en conséquence, soit lu une troisième fois.

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, Je tiens à dire quelques mots concernant le projet de loi C-3. Ce projet de loi établit un mécanisme pour l'application de lois du travail provinciales à des installations nucléaires. À l'heure actuelle, les installations nucléaires relèvent de la compétence fédérale en vertu d'une disposition déclaratrice de la Loi sur le contrôle de l'énergie atomique. Le projet de loi C-3 vise à trouver un moyen constitutionnel de faire que les lois provinciales s'appliquent à la division de l'énergie nucléaire d'Hydro-Ontario de même qu'aux autres services du genre qui sont régis, au Canada, par la Commission de contrôle de l'énergie atomique.

Mardi dernier, le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie s'est réuni pour étudier le projet de loi C-3. Nous avons entendu cinq groupes de témoins et reçu un mémoire de la Saskatchewan. Bien des témoins sont venus de très loin pour comparaître devant le comité. Malheureusement, la version anglaise du texte présenté par les travailleurs d'Hydro-Québec n'était pas prête et nous n'avons même pas pu examiner le mémoire de la Saskatchewan.

Des sénateurs estimaient que, compte tenu du caractère technique du projet de loi, il nous faudrait plus de temps pour l'examiner à fond. Toutefois, un sénateur libéral a promptement proposé que le projet de loi soit adopté et le projet de loi a été adopté. Des témoins étaient encore présents dans la salle lorsque c'est arrivé. Cela dénotait un manque de respect et de véritable intérêt de la part du comité et n'a fait qu'apporter de l'eau au moulin de la population qui critique avec cynisme notre assemblée.

Motion d'amendement

L'honorable Erminie J. Cohen: Par conséquent, je propose, appuyée par l'honorable Thérèse Lavoie-Roux:

Que le projet de loi ne soit pas lu maintenant une troisième fois, mais qu'il soit plutôt renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie pour y être examiné plus à fond.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, j'étais présent à cette réunion du comité. En résumé, les témoins ont déclaré, ou laissé entendre, qu'en déléguant aux gouvernements provinciaux certains pouvoirs du gouvernement fédéral en matière de main-d'oeuvre, la sécurité au travail pourrait en souffrir. Nous avons discuté de cette possibilité. Ils s'inquiétaient également de perdre leurs droits acquis. Le projet de loi déclare expressément que ce ne sera pas le cas. Nous le leur avons fait remarquer. Les sénateurs des deux côtés l'ont admis.

Quant à l'allégation voulant qu'un ministre fédéral et un ministre provincial aient fait preuve d'une telle irresponsabilité lors de leurs discussions sur la délégation de pouvoirs se rapportant à la main-d'oeuvre que le fonctionnement sécuritaire d'une centrale nucléaire serait compromis, je dirai que, sachant ce qui s'est passé à Tchernobyl, cette affirmation est tellement absurde et si insultante pour les ministres fédéraux et provinciaux de tous les partis qu'elle ne mérite même pas que l'on s'y arrête. Donc, nous avons évidemment voté en faveur du projet de loi.

Le sénateur Lavoie-Roux voit là une bonne occasion de décocher des flèches aux sénateurs libéraux qui ont voté en faveur du projet de loi, mais les motifs de plainte des témoins ne reposaient sur rien de solide.

Je propose l'ajournement du débat.

Le sénateur Cohen: Honorables sénateurs, je ne suis pas d'accord avec ce que l'honorable sénateur a dit au début de son intervention.

Son Honneur le Président: Le sénateur a-t-il une question à poser?

Le sénateur Forrestall: Le vote n'a pas été demandé.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le vote a été demandé, mais il peut y avoir débat et ajournement. Le sénateur Cohen est libre de poser une question si le sénateur Gigantès accepte d'y répondre.

Le sénateur Cohen: Le sénateur Gigantès était au nombre des sénateurs qui ont accusé les rédacteurs du projet de loi de compliquer les choses à l'excès, et il a réclamé un texte plus simple qui ne serait pas aussi difficile à comprendre. Cela pour dire que, puisque le projet de loi était si complexe, nous aurions dû avoir plus de temps pour l'étudier. Nous n'avons pas tous l'expérience des questions ouvrières.

Le sénateur Gigantès: Honorables sénateurs, la plainte que j'ai formulée à l'égard du libellé de cette mesure législative s'applique à toutes les mesures législatives que j'ai vues depuis mon arrivée au Canada. Lorsque j'ai de la difficulté à m'endormir, je lis la Loi de l'impôt sur le revenu. Ça marche à tout coup. Quel que soit le parti au pouvoir, les avocats du ministère de la Justice semblent absolument incapables d'écrire autre chose que du charabia, mais les dispositions du projet de loi au sujet desquelles les témoins se sont plaints étaient très claires. Par exemple, le paragraphe 121.4(5) proposé dit que tous les droits acquis avant la prise du règlement seront maintenus. C'est tout à fait clair.

Pour ce qui est de la délégation aux provinces, les témoins craignaient que toute division des arrangements en matière de travail et des arrangements en matière de sécurité ne pose un danger pour le fonctionnement de la centrale nucléaire. Cette division existe déjà puisque certains travailleurs relèvent du gouvernement provincial et d'autres du gouvernement fédéral. Cette mesure législative mettra fin à cet état de choses et rendra même les centrales nucléaires plus sûres, si c'est possible. Il y aurait danger seulement si les ministres provinciaux, dont la ministre québécoise, et le ministre fédéral ne tenaient pas compte des conseils en matière de sécurité. Le sénateur essaie de couper les cheveux en quatre, et c'est pourquoi je propose l'ajournement du débat.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, une motion d'ajournement du débat a été présentée au Sénat. Des questions pourront être posées au dernier orateur, si celui-ci est disposé à y répondre. Autrement, je dois mettre la motion aux voix.

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, je veux dire au sénateur que ce n'est pas du contenu du projet de loi que nous discutons ici, mais bien de la procédure.

Son Honneur le Président: Si madame le sénateur a une question à poser, elle peut le faire. Autrement, je n'ai d'autre choix que de mettre aux voix la motion d'ajournement du débat qui a été présentée.

Le sénateur De Ware: La question que je veux poser au sénateur est la suivante: ne se rend-il pas compte que la discussion ne portait pas sur le contenu du projet de loi, mais bien sur la procédure? Certains sénateurs voulaient plus de temps pour étudier cette mesure et faire peut-être des recommandations au ministre. Il n'était pas question du contenu. Le sénateur croit-il qu'on nous ait donné assez de temps pour examiner le contenu du projet de loi?

Le sénateur Gigantès: Honorables sénateurs, je croyais que nous avions déjà discuté de cette question. Après avoir écouté les propos échangés à la table à ce moment et les observations des sénateurs conservateurs, je croyais que les déclarations des sénateurs à l'endroit des témoins montraient que les sénateurs des deux côtés étaient arrivés à un consensus. L'idée de prolonger un peu la réflexion était, à mon avis, une tactique sans fondement que le sénateur Lavoie-Roux a utilisée pour gagner du temps. C'est pourquoi j'ai voté en faveur de l'adoption immédiate du projet de loi. Si j'avais jugé que l'intervention du sénateur Lavoie-Roux avait un fondement, j'y aurais donné mon appui, mais comme ce n'était pas le cas, j'ai voté en faveur de l'adoption immédiate du projet de loi.

L'honorable Thérèse Lavoie-Roux: Comment le sénateur peut-il affirmer que tous les sénateurs étaient satisfaits de la discussion qui a suivi la déposition des témoins, alors que nous n'y avons même pas consacré 20 secondes? Les libéraux ont mis un terme à la discussion en affirmant que le projet de loi était adopté sans amendement. Comment le sénateur peut-il arriver à la conclusion que nous étions tous satisfaits des questions qui ont été posées ou que nous voulions poser? Ce n'est pas le cas car aucun sénateur de notre côté n'a voté dans le même sens que le gouvernement.

Le sénateur Kinsella: C'est une bonne question.

Le sénateur Gigantès: Le sénateur ne vote pas souvent comme le gouvernement. J'ai proposé d'ajourner le débat. J'aimerais que la motion soit examinée par la Chambre.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Gigantès, appuyé par l'honorable sénateur Hébert, propose que le débat sur la motion d'amendement soit ajourné à la prochaine séance du Sénat. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(Sur la motion du sénateur Gigantès, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cools, appuyé par l'honorable sénateur Sparrow, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-3, Loi modifiant le Code criminel (accord sur le chef d'accusation)-(L'honorable Anne C. Cools).

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je dois informer le Sénat que, si l'honorable sénateur Cools prend la parole maintenant, son discours aura pour effet de mettre fin au débat.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je voudrais dire quelques mots. Pour commencer, je voudrais remercier le sénateur Phillips et le sénateur Wood pour leurs remarques, pour leur appui et pour l'intérêt qu'ils portent au projet de loi S-3.

Honorables sénateurs, il y a deux semaines, le 16 avril, j'ai eu la visite à mon bureau des membres du comité responsable de la pétition à l'encontre de Karla Homolka - Gwen Hunter, Rod Elesie, Gordon Domm et Shirley Eden. L'an dernier, durant le procès de Paul Bernado, ces personnes avaient recueilli en Ontario plusieurs pétitions - représentant plus de 320 000 signatures - qu'elles avaient ensuite présentées à l'Assemblée législative de l'Ontario, à Queen's Park. Les pétitionnaires demandaient au gouvernement de l'Ontario de tenir une enquête publique sur l'accord sur le chef d'accusation porté contre Karla Homolka. Elles sont maintenant en train de recueillir d'autres pétitions afin cette fois de demander au Sénat d'appuyer le projet de loi S-3.

Le projet de loi S-3 demande au Parlement de mener une enquête parlementaire publique sur l'accord sur le chef d'accusation, de former une opinion et de faire part de ses conclusions à ce sujet. Le 16 avril, les pétitionnaires ont donné une conférence de presse à Ottawa, principalement pour exprimer leur appui et pour répondre au rapport d'analyse interne de la négociation de l'accord sur le chef d'accusation dans l'affaire Homolka, établi par l'ancien juge Patrick Galligan. Ils m'ont remis ce jour-là 8 000 signatures. Ces personnes du sud de l'Ontario sont des personnes vraiment dévouées qui se dressent contre cette parodie de justice. Elles se concentrent maintenant sur les pouvoirs législatifs et les pouvoirs d'enquête du Parlement, notamment du Sénat. Je rends hommage à ces citoyens, à leur engagement, à leur persévérance et à la confiance qu'ils font au Parlement.

Honorables sénateurs, je serai brève, car j'ai hâte que cette question soit renvoyée au comité. Les faits entourant cette affaire sont bien connus. Karla Homolka, un type particulier de femme psychopathe, a réussi avec succès à berner le système et la Couronne et à obtenir une peine très légère pour trois meurtres sexuels particulièrement ignobles. De nombreux juristes prétendent qu'une entente est une entente, y compris l'ancien juge Galligan, dont les services avaient été retenus par le procureur général de l'Ontario afin d'effectuer un examen interne des actions du Bureau du procureur général au sujet de la négociation de plaidoyer.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, pourrions-nous avoir de l'ordre, s'il vous plaît? S'il doit y avoir des conversations, pourrais-je demander aux honorables sénateurs de les tenir à l'extérieur?

Le sénateur Berntson: D'accord.

Le sénateur Cools: Il a présenté son rapport intitulé «Report to the Attorney General of Ontario on certain matters relating to Karla Homolka » [Rapport au procureur général de l'Ontario sur certaines questions touchant Karla Homolka] au procureur général de l'Ontario, Charles Harnick, le 15 mars 1996. Son rapport légitimise les actions des fonctionnaires du ministère, même si c'est avec certaines réserves.

J'ai lu le rapport de 350 pages de M. Galligan. Ce n'est pas une apologie de la négociation de plaidoyer. Je l'ai trouvé déconcertant et étonnant. Dans son rapport, l'ancien juge a abandonné les motifs juridiques pour invoquer des motifs politiques. Le procureur général de l'Ontario, en s'appuyant sur ce rapport, a abandonné les motifs politiques pour invoquer des motifs juridiques. L'ancien juge a conclu que le plaidoyer de Karla Homolka était le résultat d'une nécessité pure et simple. De plus, l'ancien juge dit qu'il aurait fait la même chose lui-même. C'est une confession extraordinaire. Je dirais que c'était, malheureusement et cyniquement, prévisible.

Ce qui est intéressant, c'est que l'ancien juge Galligan s'est appuyé largement sur un autre rapport ontarien concernant des négociations de plaidoyer datant de 1993 et intitulé «Report of the Attorney General's Advisory Committee on Charge Screening, Disclosure and Resolution Discussions» [Rapport du comité consultatif du procureur général sur le filtrage des inculpations, la communication de la preuve et les discussions de l'issue]. Ce comité était présidé par l'honorable G. Arthur Martin. «Discussions de l'issue», selon la terminologie du gouvernement, n'est rien d'autre que la négociation de plaidoyer. Le public est mécontent de l'inaction des politiciens et des législatures, qui n'ont rien fait pour corriger cette parodie de justice évidente et notoire. Honorables sénateurs, le public attend de ses politiciens qu'ils prennent des mesures pour corriger une terrible injustice.

Il y a quelques jours, on a révélé un autre incident concernant l'affaire Homolka. Le 21 avril, dans le Sun de Toronto, Christie Blatchford faisait valoir l'absence de remords chez Homolka. L'article était fondé sur une lettre envoyée à Karla Homolka par sa soeur Lori concernant sa demande de permission de sortir sous surveillance. En effet, il semble que Karla Homolka essaie d'obtenir une PSAS - ou permission de sortir sous surveillance - afin de pouvoir assister à une réception donnée en l'occasion de son anniversaire. Lori salue sa soeur par un «Dear Pissy Big Sissy» et termine sa lettre par un «Your Pissy Little Sissy». Cette lettre dit entre autres ceci:

Faire une demande de PSAS c'est pas idiot, Kar [...]. C'est super que personne n'en soit avisé - pas même la commission des libérations conditionnelles. Chapeau!

La lettre de Lori Homolka dit encore ceci:

Les gens sont tellement stupides, Kar [...]. Même s'ils te rencontraient par hasard, ils ne sauraient jamais que c'était toi, surtout du fait que tu es censée rester en prison pour toujours. Ils ne s'en rendraient jamais compte. Ça serait comme si tu rentrais à St. Cath. C'est le dernier endroit où l'on s'attendrait à te trouver, surtout que j'ai dit à tout le monde que tu ne remettrais jamais, plus jamais, les pieds ici. Tu vois, c'est ça mon plan. Les gens ne sauraient pas que c'était toi...

Quel style! On peut lire encore ceci:

Les gens ne sauraient pas que c'est toi même s'ils te parlaient. Les gens sont si bêtes. C'est si facile de les duper.

Ainsi donc, l'énorme supercherie éclate au grand jour: Homolka projette d'obtenir sa libération conditionnelle et de quitter la prison. Honorables sénateurs, on nage en pleine psychopathie. Il faut savoir que les psychopathes sont des gens très rusés, extrêmement astucieux, à l'esprit tortueux. Ils sont souvent plus malins que les tribunaux, la police, les autorités pénitentiaires et les membres de la commission des libérations conditionnelles. Les femmes psychopathes sont particulièrement habiles dans l'art d'éviter de se faire pincer et punir.

Les autorités comprennent mal, n'étudient pas suffisamment et pardonnent souvent la psychopathie chez la femme. Elles finissent par accepter l'agression féminine, préférant expliquer les comportements agressifs et prédateurs par la psychologie de la victime féminine. Dans son rapport, l'ancien juge Galligan mentionne les deux critères que la poursuite a appliqués pour expliquer le comportement d'Homolka. Il s'agit d'abord du syndrome de la femme battue, puis de l'amnésie. Homolka se rappelait des détails de ce que Paul Bernardo avait fait aux jeunes French et Mahaffy, mais elle avait tout oublié de sa propre terrible agression contre une inconnue.

Honorables sénateurs, en tant que sénateur, je constate les nombreux dangers auxquels notre pays est maintenant confronté, surtout en ce qui concerne le système judiciaire et l'administration de la justice. L'instabilité, le découragement et la méfiance de la population sont très grands. Les problèmes sont évidents. Pourtant, alors que ces problèmes nous affligent, qu'ils frappent le pays, je suis sidérée par l'incapacité du Parlement, du Sénat et de la Chambre, de réagir face à ces problèmes. Le Parlement ne s'occupe pas de ces problèmes, n'essaie pas d'accroître nos efforts pour les résoudre.

Honorables sénateurs, si le Sénat ne se décide pas à découvrir la vérité, le Sénat et le Parlement lui-même renonceront alors à assumer leur devoir et leur responsabilité parlementaires comme probablement jamais dans l'histoire du gouvernement parlementaire.

Honorables sénateurs, je termine mes observations en deuxième lecture en rappelant que les tribunaux relèvent de la compétence du Parlement. De plus, le Parlement est le seul à avoir compétence sur le Code criminel. Cette affaire nous rappelle que souvent, pour trancher des questions politiques et résoudre des problèmes politiques, il ne convient pas de laisser la décision aux tribunaux. L'affaire Homolka est une question politique. Le Parlement doit donner son opinion. Il doit trouver une solution et adopter une mesure législative à cette fin.

Le plaidoyer marchandé par Homolka ne lie pas le Parlement. Le Parlement et la Couronne ne sont pas liés par les décisions iniques. J'attends avec impatience qu'on étudie en profondeur le projet de loi S-3 au comité. J'espère que parmi les témoins, il y aura Mary Hall, ancienne procureure en chef de Scarborough et le docteur David King, un pathologiste qui a pratiqué les autopsies sur les trois jeunes filles. Dans un article paru dans le Toronto Star du 13 janvier 1996 au sujet de Mary Hall et intitulé «Le principal procureur de Scarborough est relevé de ses fonctions», Harold Levy a écrit:

Lorsqu'on a demandé à Hall, qui contrôlait plus de 25 procureurs adjoints de la Couronne, de cesser de s'occuper de cette affaire tant que l'enquête ne serait pas terminée, beaucoup de gens ont pensé qu'on la mettait de côté pour se venger du fait qu'elle s'était opposée à la conclusion d'un second accord avec Karla Homolka.

En tant que procureure de la Couronne, Mary Hall, ne voulait pas que la Couronne marchande un second plaidoyer. Elle souhaitait qu'on poursuive Homolka. Harold Levy ajoute:

Des avocats du ministère public et des policiers ont dit au Star que les patrons de Hall n'avaient pas apprécié qu'elle s'oppose à cette entente, qui donnait à Homolka l'immunité dans le cas du viol d'une femme dont l'identité est restée inconnue.

Mary Hall a été relevée de ses fonctions de procureur de la Couronne.

(1500)

Le témoignage du docteur David King revêt une importance capitale pour notre comité. Il est le chef du département de médecine légale de l'hôpital McMaster, dans la région de Hamilton-Wentworth qui comprend St. Catharines, l'endroit où les crimes ont eu lieu. Il était prêt à témoigner pour dire que le témoignage de Karla Homolka allait à l'encontre des rapports de pathologie. Dans un article paru le 5 septembre 1995 dans le Globe and Mail et intitulé «Le témoignage de Karla Homolka mis en doute; d'après un médecin, la Couronne n'a pas tenu compte d'une opinion selon laquelle la cause de la mort ne serait pas la strangulation», l'auteur, Kirk Makin, cite une déclaration du docteur King qui a dit:

Personnellement, il y a beaucoup d'incohérences entre les données de l'autopsie et le témoignage qu'elle a fait...

et qui poursuit:

Je ne crois pas que Kristen French soit morte après avoir été étranglée avec un fil et je ne pense certainement pas qu'elle soit morte après avoir eu un fil électrique autour du cou pendant sept minutes [...]. C'est impossible. Tout cela me bouleverse énormément.

Le docteur King a ajouté ceci:

Je suppose que le principal problème, c'est que [Mme Homolka] ment - ou semble mentir - à propos de 0cette question extrêmement importante, celle de savoir qui a tué Kristen [...]. Cela laisse planer de sérieux doutes sur sa déposition.

La poursuite n'a pas convoqué le docteur David King comme témoin au procès de Paul Bernardo en 1995. De toute évidence, son témoignage n'aurait pas renforcé la position de la poursuite par rapport à Karla Homolka. À ce jour, Karla Homolka et Paul Bernardo sont les seuls à connaître le véritable assassin de Kristen French et de Leslie Mahaffy. La poursuite a décidé de croire Karla Homolka.

Honorables sénateurs, les Canadiens veulent que le processus de marchandage de plaidoyers fasse l'objet d'un examen public adéquat et que le public y participe. Le public est en faveur d'une enquête parlementaire publique sur ces questions, enquête qui serait menée par un comité du Sénat. Nos comités sénatoriaux et le Sénat ont la possibilité d'exercer leur pouvoir parlementaire et d'enquêter sur cette question, de permettre que les mesures de marchandage de plaidoyers fassent l'objet de discussions exhaustives et soient examinées comme elles le méritent.

J'exhorte les sénateurs à appuyer cette initiative et à renvoyer le projet de loi au comité.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion portant deuxième lecture du projet de loi?

(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Cools, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures, le mardi 7 mai 1996.)


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